Il y a les rois, despotiques, ombrageux, qu’on craint parce qu’ils écrasent tout sur leur passage, et il y a les princes, comme Actdar, plus mobiles, aériens, à la noblesse discrète et subtile. A sa façon de gouverner sur vous sans spectacle, Actdar impose cette façon d’être qui déplace légèrement les lignes de vos certitudes.
Ce matin, encore, il avait ressenti le besoin que je revienne lui montrer de quoi ma bouche était capable, et j’ai couru, pour y être à dix heures, comme la veille où j’y avais eu le droit deux fois.
Mais je n’ai pu le voir qu’une seule fois aujourd’hui. Car à force de frotter et refrotter ses genoux par terre pour sucer, on finit par se déchirer la peau et par bientôt ne plus supporter le moindre effleurement sur cette peau endolorie. Voilà pourquoi vous devez attendre que ça cicatrise pour retourner le voir. Au moins quelques heures.
Ce soir, mes genoux en charpie m’ont donc obligé à décliner son invitation à repasser me faire larver. J’aurais voulu y retourner, mais impossible. En prince, il n’a pas insisté. Du coup, ca m’a laissé tout loisir de me branler en pensant à lui, de m’attendrir sur des souvenirs qui ne datent pourtant que de ce matin même, sur le souvenir de ses yeux surtout qui vous observent avec curiosité, un peu comme les petits yeux jaunes d’un flamant rose face à un crapaud légèrement déjanté.
J’ai essayé de définir mentalement ce qu’il avait de si singulier. L’air de ne pas y toucher, il avance en vous (dans le moindre de vos recoins) à l’image de sa façon de se déplacer dans l’espace, avec agilité, de façon aérienne, comme une ligne un peu fuyante, qui se dérobe à l’interprétation, qu’on aimerait capter au fusain,saccadé et sinueux à la fois, ou comme un Nijinski avec quelque chose d’un peu blessé quelque part, dans les yeux, ou dans le sourire que vous lui inspirez, comme tous ceux qui sont des hommes maintenant et plus des enfants, ni des poupées, comme ce site en regorge.
Il m’a beaucoup remué. Il m’a fait chialer de plaisir. Il sait caresser l’écume (c’est du velours avant toute chose, concentré dans les yeux et les lèvres) et il vous cueille ensuite, il vous harponne, il fouaille et remue les profondeurs, et ce double mouvement dynamique finit par composer une attention intense envers ce que vous êtes. Il a su faire jouir ce que vous étiez, qui vous étiez, et pas seulement l’enveloppe.
Evidemment j’éviterai de continuer à m’épancher pompeusement sur son Livre d’or, par peur de l’embarrasser, et pour que d’autres puissent le célébrer en termes plus concrets, et j’espère avec tact et plein de détails cochons !
(Je ne sais pas pourquoi, mais il m’a rappelé le taciturne Humphrey Bogart dans le Port de l’angoisse, le film d’Howard Hawks de 1944, où Bogart écoute sans broncher Lauren Bacall le mettre au défi : « If you want anything, just whistle ! ».
Je ne suis pas Laurent Bacall, mais il a fini par me siffler, à plusieurs reprises, et j’ai couru trois fois sur quatre. Comme c’est agréable de temps en temps d’obéir à quelqu’un qui vous siffle !
(voici le détail de la fameuse réplique de Lauren Bacall signée, excusez du peu, William Faulkner himself, d’après le roman d’Hemingway : « You know you don’t have to act with me, Steve. You don’t have to say anything and you don’t have to do anything. Not a thing. Oh, maybe just whistle. You know how to whistle, don’t you, Steve ? You just put your lips together and …blow. »
Sublime Faulkner. Et sublime Actdar.